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Islam et Christianisme

Introduction

 

Dieu parle
 

 

ans l'islam comme dans le christianisme se trouvent affirmés ces trois points essentiels :

1. L’absolu est quelqu’un, et non pas quelque chose. En d'autres termes, il est un sujet, et non simplement une substance comme c'est le cas dans certaines autres conceptions du divin (dans le polythéisme antique, par exemple, où l’absolu reste radicalement distinct des dieux et déesses, et demeure un substrat dépourvu de subjectivité ; dans la philosophie de Spinoza, etc.). Le terme Dieu désigne précisément l’absolu en tant qu’il est quelqu’un.

 2. Cet absolu parle, il est source de parole. Cela n’est possible et concevable qu’en raison du point précédent : seul un sujet peut parler, non une substance. Encore faut-il préciser que cet absolu est, pour ainsi dire, doublement source de parole. D’une part en effet, il parle aux hommes. Contrairement à ce qui, là encore, caractérise d’autres conceptions du divin, comme par exemple celle d’Aristote, l’absolu dont il est ici question est capable de se tourner vers les hommes et d’en prendre souci, sans rien perdre pour autant de son absoluité, et il se révèle à eux dans et par une parole qu’il leur adresse [1]. D’autre part, l’absolu est source de parole indépendamment de toute relation avec les hommes, de tout rapport avec autre chose que lui-même : il parle, en quelque sorte, à lui-même et en lui-même. Il y a ainsi, selon l’islam, une parole de Dieu éternelle et incréée, qui « précède » toute création et existe indépendamment de toute relation entre Dieu et les créatures ; et selon le christianisme, le Verbe est « engendré avant tous les siècles (natum ante omnia saecula) ». La profération d’une parole n’est donc pas seulement effectuée en vue de la relation entre Dieu et l’homme, elle est à regarder comme une activité constitutive de l’être même de Dieu, considéré en lui-même.

3. Ces deux paroles n’en font qu’une, en ce sens que la parole adressée par Dieu aux hommes est celle-là même que Dieu, pour ainsi dire, s’adresse à lui-même. Ainsi selon l’islam, la parole révélée à Muhammad n’est pas une autre parole que la parole divine éternelle et incréée, qui viendrait s’ajouter à celle-ci, mais elle en est l’exacte reproduction [2] ; et selon le christianisme, le Verbe envoyé dans le monde vers les hommes est le Verbe éternel lui-même, et non un autre. Il n’y a donc fondamentalement, d’après ces deux religions, qu’une parole et une seule, ayant Dieu pour source.

 

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Ces affirmations conduisent tout naturellement à l’examen de trois questions, à propos desquelles interviennent les divergences fondamentales existant entre le christianisme et l’islam.

 

1. L’affirmation selon laquelle Dieu est source d’une parole éternelle et incréée oblige à soulever la question du genre de rapport que Dieu entretient avec cette parole sienne ; cette question a pour enjeu l’unicité de Dieu ; le point de divergence fondamental, entre le christianisme et l’islam, qui est concerné ici, est le dogme chrétien de la Trinité.

2. L’affirmation selon laquelle Dieu parle aux hommes oblige à envisager la question du mode d’insertion de la parole de Dieu dans le monde des hommes ; le point de divergence dont il s’agit alors est le dogme chrétien de l’Incarnation, ou de la divinité du Christ.

3. L’affirmation de l’identité de la parole divine éternelle et de la parole divine adressée aux hommes conduit à poser la question du lien existant entre les deux points précédents ; ce sont alors les deux motifs de désaccord précédemment mentionnés qui interviennent derechef, quoique sous un nouvel angle.

   Nous nous proposons d’examiner ces questions tour à tour, en commençant chaque fois par clarifier leur sens, et en montrant du même coup, de façon plus explicite, pourquoi elles se posent. Précisons toutefois que le troisième point qui vient d'être indiqué ne fera pas l'objet d'une partie qui lui serait spécialement consacrée, comme les deux précédents, mais sera traité dans le cadre de l'exposé du second point, et pour ainsi dire dans le même mouvement. C'est, en effet, le développement même de la question de l'Incarnation qui manifestera et expliquera le lien fort étroit que cette question entretient nécessairement avec celle de la nature de la Parole de Dieu (autrement dit avec la question de la Trinité).

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[1]. Chez Aristote en effet, l’absolu semble être envisagé comme un sujet (il est au plus haut point doué de vie et d’intelligence, dit ce penseur), mais il ne peut ni ne doit s’intéresser à autre chose que lui-même, sous peine de déchoir de son absoluité ; il serait insensé qu’il se souciât des hommes, ces êtres infiniment inférieurs et infiniment moins dignes d’intérêt que lui-même, et plus insensé encore qu’il entreprît d’entrer en relation avec eux de son propre chef. Cf. Métaphysique, L, 7 et 9.

[2]. Le Coran se présente comme reproduisant à l’identique la « Mère du livre », ou la « Table gardée », c’est-à-dire la parole éternelle de Dieu. Cf. III, 7 ; XIII, 39 ; surtout XLIII, 4 ; LXXXV, 22.

 

 

 

 

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